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  • : Le blog de Jean-Loup
  • : Engagé, depuis plusieurs décennies dans une démarche visant à lutter contre tous les processus d'exclusion, de discrimination et de ségrégation socio-urbaine, je suis persuadé que si nous voulons « construire » une société reposant sur un véritable Vivre Ensemble. Il nous faut savoir, donner du sens au sens, prendre le temps de la concertation et faire des propositions en adéquation avec les besoins de nos concitoyens.
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13 janvier 2016 3 13 /01 /janvier /2016 10:19

Regardez toujours attentivement un politicien lorsqu’il dit vouloir s’occuper de la jeunesse. Si vous ne voyez que parfois la luxure dans son œil, vous y trouverez en revanche toujours de l’appétit et le même calcul que celui que fait le cuisinier quand il nourrit son dindon, 364 jours durant jusqu’à Noël. Cette année, les flonflons des hommages collatéraux à peine éteints, Hollande a profité de ses vœux à la jeunesse pour montrer toute l’étendue de l’attention que la République compte lui porter dans les prochaines années.

Et c’est bien d’étendue, vaste et riche en petites créatures administratives bondissantes, dont il s’agit ici. Avec ce punch et cette diction parfaite qui le caractérisent maintenant, le chef de l’État s’est attelé en quelques phrases bien construites — et sans aucune anaphore facile — à brosser l’avenir de la jeunesse française telle qu’envisagée par son cabinet et son service communication. Et pendant que François Hollande s’essayait maladroitement à l’utilisation d’un titre de chanson de David Bowie comme citation philosophique, le twitter de l’Élysée chauffait d’une série de flambytweets qui ont rapidement permis de se faire une idée précise de la giboulée de niaiseries incapacitantes qui va bientôt s’abattre sur les jeunes Français.

Il faut le lire, plusieurs fois, pour le croire : les jeunesses hollandistes sont en route.

Comme tout le monde était là, comme l’ambiance était chaleureuse, le chef de l’État ne pouvait pas faire moins et a annoncé la création d’un « parcours citoyen », cocoonant le gamin de l’école élémentaire jusqu’à ses 25 ans (où, comme chacun sait, l’adulescent aura besoin du soutien, au moins moral, de toute la République). Tout part de l’idée générale qu’il faut, absolument, généraliser le service civique à toute une génération, certains parvenant malgré les efforts déployés à passer entre les mailles de la mesure mise en place après la fin du service militaire. Et tant qu’à étendre l’actuelle JDC, la Journée de défense et de citoyenneté, à toute une génération de jeunes, autant l’étendre aussi en durée en la poussant à une semaine ; dans un phrasé subtil qui nous offre un bouquet d’euphémismes délicatement parfumés au moquage de visage, François explique avoir…

« demandé au gouvernement d’améliorer encore le contenu de ce rendez-vous et d’étudier s’il peut aller vers une durée plus longue, pour l’enrichir, jusqu’à une semaine »

« Améliorer encore » le contenu de la JDC, voilà qui montre que l’excellence n’est même plus suffisante pour les enfants de la République. Le Président François vise toujours plus haut, et entend même « enrichir » cette JDC jusqu’à une semaine. Oui, c’est vrai, il aime bien les semaines riches. Et puis, des centaines de milliers de jeunes qui vont disparaître des radars du chômage pendant deux ou trois jours de plus, c’est toujours bon à prendre quand on est aux abois, je présume ; à ce rythme, les 12 mois complets de « service citoyen » ne sont pas loin.

Pour son « parcours d’obstacles citoyens », François propose un contingent de 300 heures d’enseignement moral et civique, saupoudrés de l’école élémentaire à la Terminale, dans le but de transmettre la propag… heu les valeurs de la République, ces valeurs qui, à gauche, décident de tout et que lui et sa clique incarnent si bien (rappelez-vous, Cambadélis en a même fait un album à colorier). Dans tout parcours, il y a des points de passage, des juges et des distributions de bons et de mauvais points. C’est sans doute l’idée derrière la création concomitante du « livret citoyen ».

Vous avez bien lu, à compter de la rentrée 2016, chaque jeune, depuis ses 16 ans jusqu’à ses 25 ans, se verra confier un livret citoyen, qui prétendra faire de lui un citoyen revendiquant plein de droits (parce qu’à présent, ce n’est pas le cas, bien sûr) et qui lui rappellera aussi les devoirs qu’il a accomplis (comme un casier judiciaire, mais positif, en somme).

On touche au sublime. Que dis-je, on le tripote même, carrément, de tous les côtés, comme seule une horde de dégénérés socialistes est capable de le faire : non seulement, on va créer un nouveau papelard graisseux et écorné que la population va devoir trimballer de mésaventure citoyenne en tracasserie administrative, mais en plus celui-ci concentrera toutes les actions ou formes d’engagement estampillées obligatoires par l’administration Citoyenne & Festive de la République du Bisounoursland.

Et oui encore, vous avez bien lu : alors même que, d’après les flambytweets et le discours officiel, l’engagement serait un mouvement qui ne se décrète pas, ça n’empêche pas de l’imposer (par décret ?) en créant une nouvelle brouettée d’obligations dont on imagine déjà qu’il faudra en vérifier la bonne application, au moyen de l’une de ces Hautotorités ou Commissions dont le pays a le secret.

Aaah, quel bonheur que devenir citoyen en France : grâce à ce carnet, personne ne sera jamais, ô grand jamais, stigmatisé de n’avoir pu répondre à l’une ou l’autre obligation qu’on pressent déjà fort bien pensée et adaptée aux besoins des citoyens, de la nation, des entreprises et des administrations. On sait déjà que ce sera une réussite où, enfin (ENFIN !) le stage photocopieuse à la Mairie de Trifouilly sera dûment rendu obligatoire, dûment validé sur le carnet citoyen à coups de tampons rouges par un préposé municipal charmant. Et on sait que ce coup de tampon sera ensuite dûment recherché par chaque employeur et chaque service de l’État pour s’assurer que le candidat est bien passé par cette étape indispensable à faire de lui un vrai citoyen que la rencontre récurrente avec les guichets institutionnels et les paperasseries administratives pénétreront de joie saine et bondissante l’éloignant de tout djihadisme anti-républicain, d’autant plus que ce temps passé à bondir dans les cerceaux citoyens ne sera pas du tout en concurrence avec celui qu’il aurait pu passer à s’instruire et se former.

Pas de doute, cet embrigadement détendu, riant même, de la jeunesse française, avec remise de bons points, envoie du steak, bute du chaton mignon et vend du rêve. Celui d’un monde rose, pardon, rouge, avec du matin qui chante par palettes entières, et une masse joyeuse sur fond de champs de blé ondoyant sous une douce brise, qui brandira fièrement son « certificat officiel de civisme » obtenu d’âpre lutte après un stage au komsomol pour obtenir certains emplois.

Youpi, la grande marche à pas chaloupé continu. Et ne comptez sur aucun cri, aucune protestation, aucune révolte qu’un tel projet aurait dû déclencher dans le coeur de tous les parents français devant cette propagande pernicieuse.

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